Espèces de corps

Eléments et solides
Eléménts, mobilité, masse,
Chimie des éléments,Terre et Feu
L'eau, le feu et l'air, constitution des corps , des masses
Mutations, mouvements, variétés et repos des corps
Le repos et le mouvement. Pas de mouvement sans moteur et inversement.
Hétérogénéité et inégalité. La nature a horreur du vide !
Des espèces de feux, d'airs, d'eaux... et leurs mécaniques
Le liquide eau-rifère, le cuivre
Une science ludique
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'eau sans jamais oser le demander !
Tous ce que ..........sur la terre, les pierres, la soude, le sel, ....sans .... !
La perméabilité des corps
Verre, pierre fusible, cire, encens,
Les sensations, la chair, l'âme mortelle
Dis papa, pourquoi le feu l'est chaud ?
Du froid, des tremblements, des frissons,
Du dur, du dense, du rigide, du lourd, du léger
Le Haut, le Bas, le Centre, la partition du monde
Phénoménologie des corps, le lourd, le léger, le haut , le bas,
Le lisse et le rugeux

(Pour des raison de lecture et de cohérence des paragraphes
la numérotation de références des pages n'est pas à la ligne près/ à l'original !
)


Eléments et solides

Mais laissons ce point de côté, et assignons les espèces que notre argumentation vient de mettre au jour au feu, à la terre, à l’eau et à l’air.

Donnons à la terre la forme cubique
;

car des quatre espèces la terre est la plus difficile à mouvoir
et le plus tenace des corps,
et ces qualités-là sont celles que doit particulièrement posséder le corps qui a les bases les plus stables.

Or, dans les triangles que nous avons supposés à l’origine,
la base formée par des côtés égaux est naturellement plus stable que celle qui est formée par des côtés inégaux, et des deux figures planes composées par les deux triangles, le tétragone équilatéral est nécessairement une base plus stable, soit dans ses parties, soit dans sa totalité, que le triangle équilatéral.

32x3 ????

Par suite, en attribuant cette forme à la terre, nous restons dans la vraisemblance, de même qu’en attribuant à l’eau la moins mobile de celles qui restent,
20x3, l'Icosaèdre

 

la plus mobile au feu, le tétraèdre, 4x3

 

et la figure intermédiaire à l’air, , octaèdre, 8x3

et aussi le plus petit corps au feu
et par contre le plus grand à l’eau
et l’intermédiaire à l’air,
et encore le plus aigu au feu, p123

le second sous ce rapport à l’air
et le troisième à l’eau.

Eléments, Mobilité, Masse

Or de toutes ces figures,
celle qui a le moins grand nombre de bases doit nécessairement avoir la nature la plus mobile ; c’est, de toutes, la plus coupante et la plus aiguë dans tous les sens, comme aussi la plus légère, puisqu’elle est composée du plus petit nombre des mêmes parties ;

la seconde sous le rapport de ces qualités doit tenir la seconde place, et la troisième, la troisième place.

Disons donc que, selon la droite raison et la vraisemblance,
le solide qui a pris la forme de la pyramide est l’élément et le germe du feu,

que celui que nous avons construit en second lieu, l'octaèdre, est l’élément de l’air,
et le troisième, l'icosaèdre, celui de l’eau.
Or il faut se représenter ces éléments comme si petits qu’aucun d’eux, pris à part dans chaque genre, n’est visible à nos yeux, à cause de sa petitesse, et qu’ils ne le deviennent qu’en s’agrégeant en grand nombre pour former des masses.

En outre, en ce qui regarde les proportions relatives à leur nombre, à leurs mouvements et à leurs autres propriétés, il faut penser que le dieu, dans la mesure où la nature de la nécessité s’y prêtait volontairement et cédait à la persuasion, les a partout réalisées avec exactitude et a ainsi tout ordonné dans une harmonieuse proportion.


D’après tout ce que nous avons dit plus haut sur les genres, voici, selon toute probabilité, ce qui se produit.p124


Chimie des éléments, Terre et Feu


Quand la terre rencontre le feu et qu’elle est divisée par ses pointes aiguës,

soit qu’elle se dissolve dans le feu lui-même ou qu’elle se trouve dans une masse d’air ou d’eau, elle est emportée çà et là, jusqu’à ce que ses parties, se rencontrant quelque part, se réunissent de nouveau et redeviennent terre ; car elles ne peuvent jamais se transformer en une autre espèce.

L'eau, le feu et l'air, constitution des corps , des masses

Au contraire, l’eau, divisée par le feu ou même par l’air, peut en se recomposant, devenir un corpuscule de feu et deux d’air.

Quant à l’air, les fragments qui viennent de la dissolution d’une seule de ses parties peuvent devenir deux corpuscules de feu.

Inversement, quand une petite quantité de feu enveloppée dans une masse d’air, d’eau ou de terre et emportée dans le mouvement de cette masse, est vaincue dans la lutte et réduite en morceaux, deux corpuscules de feu se combinent en une seule forme d’air ; et quand l’air est vaincu et brisé en menus morceaux, deux corpuscules entiers d’air, plus un demi, se condensent en un seul corpuscule complet d’eau.p125

Considérons encore les faits d’une autre manière.

Quand une des autres espèces, prise dans du feu, est coupée par le tranchant de ses angles et de ses arêtes, si elle a, en se recomposant, pris la nature du feu, elle cesse d’être coupée ;
car aucune espèce homogène et identique à elle-même ne peut causer aucun changement dans ce qui est comme elle identique et homogène, ni subir de sa part aucune altération.

Au contraire, aussi longtemps qu’en passant dans une autre espèce, elle lutte contre plus fort qu’elle, elle ne cesse de se dissoudre.

D’un autre côté, quand un petit nombre de corpuscules plus petits, enveloppés dans un grand nombre de corpuscules plus gros, sont mis en pièces et éteints, s’ils consentent à se réunir sous la forme du vainqueur, ils cessent de s’éteindre et le feu devient de l’air, et l’air, de l’eau.

Mais si, les petits corpuscules se rendant vers ces éléments, une des autres espèces les rencontre et entre en lutte avec eux, ils ne cessent pas de se diviser jusqu’à ce que, entièrement dissous par la poussée qu’ils subissent, ils se réfugient vers un corps de même nature qu’eux, ou que, vaincus, beaucoup se réunissent en un seul corps semblable à leur vainqueur,et demeurent avec lui. p126


Mutations, mouvements, variétés
et repos des corps

Un autre effet de ces modifications, c’est que toutes choses changent de place ; car, tandis que les grosses masses de chaque espèce ont chacune leur place séparée par l’effet du mouvement du réceptacle, les corps qui deviennent dissemblables à eux-mêmes pour ressembler à d’autres sont toujours portés par la secousse qu’ils en reçoivent vers le lieu occupé par ceux dont ils ont pris la ressemblance.
Telles sont les causes qui ont donné naissance aux corps simples et primitifs.

 Quant aux autres espèces qui se sont formées dans chaque genre, il en faut chercher la cause dans la construction de chacun des deux éléments.

Les deux triangles construits au début ne furent pas d’une grandeur unique :
il y en eut de grands et de petits, en aussi grand nombre qu’il y a d’espèces dans chaque genre.


C’est pourquoi, lorsque ces triangles se mêlent entre eux et les uns avec les autres, il en résulte une variété infinie, qu’il faut étudier si l’on veut discourir de la nature avec vraisemblance.

Le repos et le mouvement. Pas de mouvement sans moteur et inversement.

En ce qui regarde le mouvement et le repos, de quelle manière et dans quelles conditions se produisent-ils ?
Si l’on ne s’entend pas là-dessus, bien des difficultés se mettront en travers du raisonnement qui va suivre. Nous avons déjà touché ce sujet ; il faut encore en dire ceci : c’est que le mouvement ne consentira jamais à se trouver dans ce qui est homogène.p127.

Car il est difficile ou, pour mieux dire, impossible qu’il y ait une chose mue sans moteur ou un moteur sans une chose mue.
Il n’y a pas de mouvement quand ces deux choses manquent, et il est impossible qu’elles soient jamais homogènes.

Plaçons donc toujours le repos dans ce qui est homogène et le mouvement dans ce qui est hétérogène.

Et la cause de la nature hétérogène est l’inégalité.

Hétérogénéité et inégalité. La nature a horreur du vide !

Nous avons déjà indiqué l’origine de l’inégalité ; mais nous n’avons pas expliqué comment il se fait que les éléments, qui ont été séparés suivant leurs espèces, ne cessent pas de se mouvoir et de se traverser les uns les autres.
proposition

Nous allons reprendre notre explication comme il suit.

Le circuit de l’univers comprenant en lui les diverses espèces est circulaire et tend naturellement à revenir sur lui-même ;

aussi comprime-t-il tous les corps et il ne permet pas qu’il reste aucun espace vide.

De là vient que le feu principalement s’est infiltré dans tous les corps,
et, en second lieu, l’air, parce qu’il occupe naturellement le second rang pour la ténuité, et de même pour les autres éléments.

Car les corps composés des particules les plus grandes laissent le plus grand vide dans leur arrangement, et les plus petits le plus petit.

Or la compression qui resserre les corps pousse les petits dans les intervalles des grands. p128,
Alors les petits se trouvant à côté des grands, et les plus petits divisant les plus grands et les plus grands forçant les plus petits à se combiner, tous se déplacent, soit en haut, soit en bas, pour gagner la place qui leur convient ; car, en changeant de dimension, chacun change aussi de position dans l’espace.


C’est ainsi et par ces moyens que se maintient la perpétuelle naissance de la diversité qui cause maintenant et causera toujours le mouvement incessant de ces corps.

Des espèces de feux...d'airs, d'eaux, et leurs mécaniques

Il faut ensuite observer qu’il y a plusieurs espèces de feu,
par exemple la flamme,
puis ce qui s’échappe de la flamme,
et, sans brûler, procure la lumière aux yeux,
et ce qui reste du feu dans les corps en ignition, lorsque la flamme s’est éteinte.

De même dans l’air
il y a l’espèce la plus translucide, qu’on appelle éther,
et la plus trouble qu’on appelle brouillard
et obscurité,
et d’autres qui n’ont pas de nom et qui résultent de l’inégalité des triangles.

Pour l’eau, il y a d’abord deux espèces,
la liquide
et la fusible.

La première, formée des éléments de l’eau qui sont petits et inégaux, se meut par elle-même et sous une impulsion étrangère, à cause de son manque d’uniformité et de la nature de sa forme.

L’autre espèce, composée d’éléments plus grands et uniformes, est plus stable que la première et elle est pesante et compacte du fait de son homogénéité.
Mais quand le feu la pénètre et la dissout, elle perd son uniformité, et quand elle l’a perdue, elle participe davantage au mouvement, et devenue facile à mouvoir, elle se répand sur la terre sous la poussée de l’air adjacent, et chacune de ses modifications a reçu un nom, celui de fonte quand ses masses se dissolvent, et celui de courant quand elles s’étendent sur le sol. p129


Quand, au contraire, le feu s’en échappe, comme il ne s’échappe point dans le vide, l’air voisin, poussé par lui, pousse ensemble la masse liquide, encore facile à mouvoir, dans les places laissées par le feu et se mêle avec elle.

Le liquide, ainsi comprimé et recouvrant son uniformité par la retraite du feu qui l’avait rendu hétérogène, rentre dans son état originel.
Le départ du feu a été appelé refroidissement et la contraction qui suit sa retraite, congélation.

Le liquide eau-rifère, le cuivre,

De toutes les eaux que nous avons appelées fusibles la plus dense, formée des particules les plus ténues et les plus égales, n’a qu’une seule variété, teintée d’un jaune brillant.

C’est le plus précieux de tous les biens, l’or, qui s’est solidifié, après avoir filtré à travers des rochers. p130

Pour le scion d’or, lequel est très dur en raison de sa densité et de couleur sombre, on l’a appelé « adamas ». L’espèce formée de parties semblables à celles de l’or, mais qui a plus d’une variété, est pour la densité supérieure à l’or, parce qu’elle contient un léger alliage de terre ténue qui la rend plus dure, mais en même temps plus légère, parce qu’elle renferme de grands interstices :
c’est de cette espèce d’eaux brillantes et solides qu’est composé le cuivre.

La portion de terre qui y est mêlée apparaît seule à la surface, quand par l’effet du temps les deux substances se séparent l’une de l’autre :
elle s’appelle vert-de-gris.


Une science ludique

Quant aux autres corps de même sorte, il n’y a plus aucune difficulté pour en rendre compte, en s’attachant dans ses explications à l’idée de vraisemblance ; et, lorsque, pour se délasser, on délaisse l’étude des êtres éternels
et qu’on se donne l’innocent plaisir de considérer les raisons vraisemblables de ce qui naît, on se ménage dans la vie un amusement modéré et sage.

C’est à cet amusement que nous venons de nous livrer et nous allons continuer à exposer sur les mêmes sujets une suite d’opinions vraisemblables. p131

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'eau sans jamais oser le demander !

L’eau mêlée de feu, qui est fine et liquide à cause de sa mobilité et du chemin qu’elle parcourt en roulant sur le sol, ce qui lui vaut ce nom de liquide, et qui, d’autre part, est molle, parce que ses bases, moins stables que celles de la terre, cèdent facilement, cette eau vient-elle à se séparer du feu et de l’air et à rester seule, elle devient plus homogène et se resserre sur elle-même à la suite de la sortie de ces deux corps, et, ainsi condensée, devient de la grêle, si c’est surtout au-dessus de la terre qu’elle éprouve ce changement, et de la glace, s’il a lieu à la surface de la terre. Si le changement est incomplet et qu’elle ne soit encore congelée qu’à demi, au-dessus de la terre elle prend le nom de neige, et de gelée blanche, si elle se forme de la rosée à la surface de la terre.


La plupart des formes d’eau mélangées les unes aux autres, et distillées à travers les plantes que produit la terre, ont reçu le nom général de sucs.
Ces sucs, diversifiés par les mélanges dont ils sont les produits, ont fourni un grand nombre d’espèces qui n’ont pas de nom.
Mais quatre espèces, contenant du feu et particulièrement limpides, ont reçu des noms.
Parmi celles-ci, celle qui réchauffe l’âme en même temps que le corps est le vin. Celle qui est lisse et divise le courant visuel et qui, à cause de cela, paraît brillante, luisante et grasse à la vue est l’espèce huileuse, poix, huile de ricin, huile proprement dite et tous les autres sucs doués des mêmes propriétés.

Celle qui dilate, autant que la nature le comporte, les pores contractés de la bouche et produit, grâce à cette propriété, une sensation de douceur a reçu généralement le nom de miel. p132
Enfin distincte de tous les autres sucs, a été appelée verjus.


Tous ce que ....sur la terre......les pierres, la soude, le sel, ....:

Quant aux espèces de terre, celle qui s’est purifiée en traversant de l’eau, devient un corps pierreux de la manière que je vais dire.
Lorsque l’eau qui s’y trouve mêlée se divise dans le mélange, elle prend la forme de l’air et l’air ainsi produit s’élève vers le lieu qui lui est propre.
Mais, comme il n’y a point de vide au-dessus d’eux, cet air-là pousse l’air voisin. Celui-ci, qui est pesant, lorsque, sous la poussée, il s’est répandu autour de la masse de terre, la presse violemment et la pousse dans les places d’où est sorti l’air nouvellement formé.

Alors la terre, comprimée par l’air de manière que l’eau ne peut la dissoudre, forme une pierre,
la plus belle étant la pierre transparente formée de parties égales et homogènes, la plus laide celle qui a les qualités contraires.
L’espèce qui, sous la rapide action du feu, a été dépouillée de toute son humidité et qui forme un corps plus cassant que la précédente est celle qu’on nomme terre à potier.
Parfois la terre, gardant de l’humidité, se liquéfie sous l’action du feu et devient en se refroidissant une pierre de couleur noire. p133


Deux autres substances qui, à la suite du mélange, ont de même perdu une grande quantité d’eau, mais ont des particules de terre plus fine et un goût salin, deviennent demi-solides et solubles de nouveau par l’eau.

La première, qui sert à enlever les taches d’huile et de poussière, est la soude ;

la deuxième, qui s’harmonise agréablement dans les combinaisons faites pour flatter le palais, est le sel qui, aux termes de la loi, est une offrande agréable aux dieux.

Physique, mécanique et perméabilité des corps

Quant aux composés de ces deux corps, qui sont solubles par le feu, mais non par l’eau, voici comment et pour quelle raison ils se condensent.

Ni le feu ni l’air ne peuvent dissoudre des masses de terre, parce que leurs particules, étant naturellement plus petites que les interstices de la structure de la terre, trouvent de nombreux et larges passages où ils se frayent un chemin sans violence, et la laissent sans la dissoudre ni la fondre.

Les particules de l’eau étant, au contraire, plus grandes, s’ouvrent un passage par la force et divisent et dissolvent la terre.
Quand la terre n’est pas condensée violemment, l’eau à elle seule peut la dissoudre ainsi ; si elle l’est, rien ne peut la dissoudre, sauf le feu ; car rien n’y peut plus entrer que lui. p134


À son tour, l’eau, sous une compression très violente, n’est dissoute que par le feu ;
sous une compression plus faible, elle l’est à la fois par le feu et par l’air, l’un passant par ses interstices, l’autre par ses triangles aussi.
Pour l’air condensé par force, rien ne peut le dissoudre, si ce n’est en divisant ses éléments ; s’il n’a pas été violenté, il n’est soluble que par le feu.

Pour les corps mêlés de terre et d’eau, tant que l’eau y occupe les interstices de la terre et les comprime violemment, les parties d’eau qui viennent du dehors, ne trouvant pas d’entrée, coulent tout autour de la masse et la laissent sans la dissoudre.

Au contraire, les particules de feu pénètrent dans les interstices de l’eau, car le feu agit sur l’eau comme l’eau sur la terre, et elles sont les seules causes qui fassent fondre et couler le corps composé de terre et d’eau.

Verre, pierre fusible, cire, encens,

Parmi ces composés, il arrive que les uns contiennent moins d’eau que de terre : ce sont toutes les espèces de verre et toutes celles de pierres qu’on appelle fusibles ; et que les autres contiennent plus d’eau : ce sont toutes les substances solides de la nature de la cire et de l’encens.
Nous avons à peu près expliqué les variétés qui résultent des figures, des combinaisons et des transformations mutuelles des corps.

Les sensations, la chair, l'âme mortelle

Il faut maintenant essayer de faire voir les causes des impressions qu’ils font sur nous.
D’abord, quels que soient les objets dont on parle, il faut qu’ils provoquent une sensation. Mais nous n’avons pas encore exposé l’origine de la chair et de ce qui a rapport à la chair, ni de la partie mortelle de l’âme. p135


Or il se trouve qu’on ne peut en parler convenablement sans traiter des impressions sensibles, ni de celles-ci sans traiter du corps et de l’âme, et que traiter des deux choses à la fois est à peu près impossible.

Il faut donc admettre l’une des deux comme démontrée, et revenir plus tard à celle que nous aurons admise.

Présupposons donc ce qui regarde le corps et l’âme, afin de traiter des impressions immédiatement après les espèces qui les produisent.

Dis papa, pourquoi le feu l'est chaud ?

En premier lieu, pourquoi disons-nous que le feu est chaud ?

Pour étudier la question, observons l’action tranchante et coupante du feu sur nos corps.
Que l’impression qu’il cause soit quelque chose d’acéré, j’imagine que nous le sentons tous.
Pour nous rendre compte de la finesse de ses arêtes, de l’acuité de ses angles, de la petitesse de ses parties, de la rapidité de son mouvement, toutes propriétés qui le rendent violent et tranchant et grâce auxquelles il coupe vivement tout ce qu’il rencontre, il faut nous remémorer comment sa figure s’est formée,

et nous verrons que sa nature est plus capable que toute autre de diviser et de réduire les corps en menus morceaux, et que c’est elle qui a naturellement donné à ce que nous appelons chaud son impression sensible et son nom. p136


Du froid, des tremblements, des frissons,

L’impression contraire à celle de la chaleur est assez claire : néanmoins nous ne laisserons pas d’en parler.
Des liquides qui entourent notre corps, ceux qui ont les particules les plus grandes, pénétrant en lui, refoulent ceux qui ont les particules les plus petites ; mais comme ils ne peuvent se glisser à leurs places, ils compriment l’humidité qui est en nous et, d’hétérogène et mobile qu’elle était, ils la rendent immobile en la faisant homogène, et la coagulent en la comprimant.
Mais un corps comprimé contrairement à sa nature se défend naturellement en se poussant lui-même en sens contraire.
À cette lutte et à ces secousses on a donné le nom de tremblement et de frisson, et l’ensemble de ces impressions et l’agent qui les produit ont reçu celui de froid.

Du dur, du dense , du rigide, du lourd, du léger
Dur est le terme appliqué aux objets auxquels notre chair cède, et mou indique ceux qui cèdent à notre chair, et les mêmes termes s’appliquent aux objets à l’égard les uns des autres.
Ceux-là cèdent qui reposent sur une petite base ; au contraire, ceux qui ont des bases quadrangulaires et sont par là solidement assis forment l’espèce la plus résistante, et il faut y comprendre tout ce qui, étant d’une composition très dense, est très rigide.
Pour le lourd et le léger, c’est en les considérant en même temps que la nature de ce qu’on appelle le haut et le bas qu’on les expliquera le plus clairement. p137

 

Le Haut, le Bas, le Centre, la partition du monde

Qu’il y ait naturellement deux régions opposées qui partagent l’univers en deux, l’une étant le bas, vers lequel tombe tout ce qui a une certaine masse corporelle, et l’autre le haut, où rien ne s’élève que par force, c’est une erreur complète de le croire.

En effet, le ciel étant complètement sphérique, tous les points qui, étant à égale distance du centre, sont ses extrémités sont tous pareils en tant qu’extrémités, et le centre, distant dans la même mesure de tous les points extrêmes, doit être conçu comme opposé à eux tous.

Le monde étant ainsi disposé, quel est celui des points en question qu’on peut mettre en haut ou en bas, sans être justement blâmé de lui imposer un nom tout à fait impropre ?

S’agit-il du lieu qui est au milieu du monde, il n’est pas juste de dire qu’il est naturellement bas ou haut, il en est simplement le centre.

Quant au lieu qui l’entoure, il n’est pas le centre et ne contient aucune partie qui soit différente d’une autre et plus près du centre que l’une quelconque des parties à l’opposite.
Or comment peut-on appliquer des noms contraires à ce qui est exactement de même nature, et comment croire qu’alors on parle juste ?

Supposons, en effet, qu’il y ait un corps solide en équilibre au centre de l’univers : il ne se porterait jamais à aucune des extrémités à cause de leur parfaite similitude.

Supposons encore que quelqu’un fasse le tour de ce corps : il se trouverait souvent antipode de lui-même et il appellerait bas et haut le même point de ce corps. p138


Puisque, comme nous venons de le dire, le tout est sphérique, il n’y a pas de raison d’appeler tel endroit bas, tel autre haut.
D’où viennent donc ces dénominations et à quoi s’appliquent-elles dans la réalité pour que nous en ayons pris l’habitude de diviser ainsi tout le ciel lui-même et d’en parler en ces termes ?

Voilà sur quoi il faut nous mettre d’accord en partant de la supposition suivante.

Phénoménologie des corps, le lourd, le léger, le haut , le bas,

Imaginons un homme placé dans la région de l’univers spécialement assignée au feu et où se trouve la masse principale vers laquelle il se porte, et supposons qu’ayant pouvoir sur elle, il détache des parties du feu et les pèse, en les mettant sur les plateaux d’une balance, puis que, soulevant le fléau, il tire le feu de force dans l’air, élément de nature différente, il est évident qu’une petite partie cédera plus facilement qu’une grande à la violence.

Car, lorsque deux corps sont soulevés en même temps par la même force, nécessairement le plus petit cède plus facilement à la contrainte, tandis que le plus grand résiste et cède plus difficilement.

On dit alors que l’un est lourd et se porte vers le bas, et que le petit est léger et se porte vers le haut.

Or il faut constater que c’est précisément ainsi que nous agissons dans le lieu où nous sommes. Placés à la surface de la terre, quand nous mettons dans une balance des substances terrestres et parfois de la terre pure, nous les tirons vers l’air, élément différent, par force et contrairement à leur nature ;
alors chacune des deux substances pesées tend à rejoindre sa parente ; mais la plus petite cède plus facilement que la plus grande et suit la première la force qui la jette dans un élément étranger.p139

Aussi l’avons-nous appelée légère, et nous appelons haut le lieu où nous la poussons de force ; dans le cas contraire, nous employons le nom de pesant et de bas.
En conséquence, les positions des choses diffèrent entre elles, parce que les masses principales des espèces occupent des régions opposées l’une à l’autre.

Si en effet l’on compare ce qui est léger ou pesant, ou haut ou bas dans une région avec ce qui est léger ou pesant, ou haut ou bas dans la région opposée, on trouvera que tous ces objets prennent ou ont une direction opposée, ou oblique, ou entièrement différente les uns par rapport aux autres.

La seule chose qu’il faut retenir de tout cela, c’est que c’est la tendance de chaque chose vers l’espèce dont elle est parente qui rend lourd un objet en mouvement, et bas, le lieu vers lequel il se porte, tandis que les conditions opposées produisent les résultats contraires.

Telles sont les causes que nous assignons à ces phénomènes.

 

le lisse et le rugueux

Pour les impressions de lisse et de rugueux, chacun, je pense, est à même d’en apercevoir la cause et de l’expliquer à autrui.
C’est la dureté unie à l’inégalité des parties qui produit l’un, et l’égalité des parties unie à la densité qui produit l’autre.p140